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[Le Libertaire lance un appel]

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titre :
[Le Libertaire lance un appel]
adresse :
. — Paris : FA__ [1] (Fédération anarchiste : 1945-1953) : Le Libertaire (1944-1956), (ICC (Imprimerie Centrale du Croissant))
description technique (h × l) :
. — 1 affiche (impr. photoméc.) : n. et b. ; [53 ?] × [37 ?] cm
notes :
descriptif :


[ texte ]

texte :

Le Libertaire

organe de la Fédération anarchiste
Cinquante-cinquième année. — N° 245 vendredi 1er décembre 1950
Le numéro : 10 francs
Fondé en 1895 car Louise MICHEL et Sébastien FAURE — « Internationale anarchiste »

lance un appel

Camarades, amis lecteurs,

Il faut en sortir…

Car le « Lib » c’est bien autre chose qu’un journal comme les autres et c’est bien autre chose que l’œuvre passagère des équipes de compagnons qui se relayent pour l’animer.
Le « Lib », c’est depuis plus de cinquante ans la tribune permanente où retentit la parole anarchiste ; où sont dénoncées les iniquités d’une société agonisante rivée à ses égoïsmes et ses tueries, où sont démasqués les faux prophètes d’une nouvelle religion de servitude baptisée socialisme.
Le « Lib », c’est le merveilleux flambeau où, depuis un demi-siècle, des générations de jeunes gens sont venus réchauffer leur cœur et allumer en eux de généreuses aspirations de justice et de liberté par quoi se distingue la grandeur morale de l’Anarchisme.
Le « Lib », c’est, depuis ce jour de l’an 1895 où Sébast et Louise le créèrent, le lien fraternel qui unit les membres de la grande famille libertaire et le porte-parole d’un magnifique idéal en lequel des milliers de compagnons ont puisé leur raison de vivre, et parfois de mourir.
Le « Lib » enfin, c’est l’œuvre collective que, depuis cinquante-cinq ans, des centaines de compagnons se sont acharnés à faire vivre contre vents et marées, y épuisant leur bourse et, souvent, leur santé. Mais aussi, à travers son demi-siècle, quels coups a-t-il reçu : poursuites, saisies, amendes, peines de prisons pour ses militants.
N’empêche qu’il fut toujours en avant pour défendre toutes les libertés.
Depuis cinq ans, le « Libertaire », à travers des difficultés qui auraient été pour tout autre journal insurmontables, a survécu. Sans argent, sans local, sans nombreux services appointés, uniquement forgé par les efforts des militants après leur labeur quotidien, il a rassemblé les énergies révolutionnaires, les volontés anarchistes et aujourd’hui, la Fédération Anarchiste et son organe comptent. Fin juin, notre trésorerie était en dette de huit cent mille francs. Que fallait-il faire ? Disparaître, rester les bras croisés, puis attendre des jours meilleurs.
Non ! Cela aurait été indigne de son passé.
Nous avons parlementé avec nos créanciers, nous engageant passé le cap des congés à rembourser et, momentanément, nous n’avons paru que toutes les quinzaines.
Aujourd’hui, il faut prendre des décisions, équilibrer notre budget. Certes, celui-ci serait facile à régler, nous contentant de faire un tirage limité ne servant que nos abonnés ou nos lecteurs certains, faire un journal ne touchant que les initiés.
Or, c’est l’honneur de la FA, de ses militants, de vouloir que le « Libertaire » soit répandu partout dans la France entière et crie à tous ce qu’est l’Anarchisme.
Mais cela coûte cher, extrêmement cher. Actuellement les hausses constantes du papier, de l’imprimerie, des envois, des frais généraux, portent la dépense pour un numéro à deux cent mille francs, dix millions par an !
Et nos lecteurs, nos amis comprendront que, pour assurer sa vie matérielle, nous sommes dans l’obligation de porter le prix du numéro à quinze francs, l’abonnement de cinquante-deux numéros à sept [?] francs, celui de vingt-six numéros à trois cent soixante.
Et pourtant, ce prix ne compense qu’une partie de nos dépenses, car nous ne récupérons après un long délai que la moitié de sa vente.

LE “LIBERTAIRE” DOIT VIVRE

Si le « Lib » disparaissait, une grande espérance s’éteindrait dans le cœur de nombreux compagnons. Et, dans ce monde où les raisons d’espérer ne sont pas si nombreuses, la disparition du « Lib » créerait un vide que nul autre organe ne pourrait combler.
Tu le sais, toi, compagnon de l’Anarchie, et toi, lecteur sympathisant, vous tous qui, chaque semaine, attendez votre journal, ce journal modeste parmi les géants de la presse, mais dont le souffle révolutionnaire dissipe un peu ce brouillard fétide fait de mensonges et de relents de corruption, au sein duquel achève de se décomposer le régime capitaliste.
Oui, vous le savez, vous tous, lecteurs fidèles à qui, chaque semaine le « Lib » vient redonner le courage de lutter « quand même », ce courage qui, parfois, et même chez les meilleurs, « [flanche ?] » au contact des quotidiennes et décevantes réalités.
Vous le savez, vous aussi, compagnons de la lutte anarchiste qui, parfois, emportés par l’impétuosité de votre caractère, sortez du « Lib » en claquant la porte, avec des mots définitifs — ou presque.
Si le « Lib » disparaissait, toute cette œuvre, somme de peines et de dévouements sans nombre, s’écroulerait. Et pour combien de temps ? Plus rien ne se dresserait face aux monstrueux totalitarismes, aux forces de mensonge et de corruption.
Il faut avancer ! Il faut que la Fédération Anarchiste, par la voie du « Lib », fasse entendre une voix puissante, assez forte pour briser la conspiration du silence, pour réveiller l’enthousiasme et les énergies populaires. Les circonstances l’exigent et, d’ailleurs, elles sont plus propices qu’elles ne l’ont été depuis longtemps.
Dans les milieux intellectuels, l’anarchie provoque un renouveau d’intérêt. Les moins aveugles commencent à réaliser l’énorme duperie du mirage bolchevik et, tournant le dos au socialisme autoritaire, ils ne peuvent que redécouvrir le socialisme libertaire.
D’autre part, la position nette, exempte de toute équivoque de la Fédération Anarchiste sur le problème de la guerre, son refus de pactiser avec aucun des deux blocs en présence, sa résolution, maintes fois affirmée, de ne pas s’incliner devant les « fatalités historiques », commence de porter ses fruits et, peu à peu, de cristalliser autour de la formule du Troisième Front les premiers noyaux d’une Résistance des Hommes Libres, à la guerre et à la servitude.

DEUX VOIES S’OFFRENT A NOUS :

VÉGÉTER
Une feuille qui maintient son existence, mais dont la parution rate incertaine, irrégulière, est incapable d’élargir son audience et détendre son combat.
Un brûlot qui combat pour l’honneur perd, forcément, pied à pied le terrain conquis. Un journal dont le déficit s’accroît de mois en mois est voué à la disparition, malgré les appels fréquents et lassants.

S’AFFIRMER
Un organe, à la mesure des possibilités qui s’offrent, doit être, pour pénétrer la grande masse, un journal attrayant, combatif et solide.
Attrayant et combatif, faisant appel à toute la collaboration possible.
Solide, pour cela nous faisons appel à vous, amis lecteurs.

Il faut sortir de la gêne et de la médiocrité une fois pour toutes !

Et bien, la Fédération Anarchiste a choisi : dès maintenant, Le Libertaire redevient hebdomadaire !
Mais si cette décision a été prise, c’est que nous avons compté sur vous pour un effort important, mais définitif, c’est que nous savons que vous répondrez à cet ultime appel.

Et pour cela, à ceux qui nous comprennent, à nos amis, aux groupes, de verser régulièrement un minimum de cent francs sur lequel nous pourrions compter pendant un certain temps. Cinq cents versements nous assureraient la certitude de sa parution et nous demandons à tous de faire cet effort.
Cinq cents camarades s’engageant à souscrire un versement régulier de cent francs par semaine et, non seulement la vie du journal est assurée, mais dans un an, « Le Libertaire » aura cent mille lecteurs. Certes, nous connaissons les difficultés de la vie. Nous savons que tous ne pourraient assurer un tel effort. Et c’est pourquoi nous ne faisons appel qu’à cinq cents camarades.
Il est impossible que nous ne les trouvions pas. Il est impossible que cinq cents militants ou sympathisants ne consentent pas chaque semaine de se priver d’une séance de cinéma, de deux rétifs ou d’un paquet de tabac pour que vive et se développe leur journal.
Non ! Le journal de Sébastien Faure et de Louise Michel, de Pierre Martin et de Louis Lecoin, ce journal où écrivirent Kropotkine, Reclus, Malatesta, Makhno, Voline et tant d’autres de nos penseurs et de nos martyrs, ne doit pas disparaître. Compagnons ou sympathisants, vous ne permettrez pas que se taise cette grande vont libertaire.
Et, après avoir apporté votre souscription, tu descendras, toi, compagnon, dans la rue pour y clamer les syllabes familières et toi, sympathisant, tu feras connaître à un ami qui l’ignore score, un journal dont le format modeste donne asile à une grande espérance de justice et de liberté.

Ainsi, tous ensemble, unis dans un effort commun, nous surmonterons toutes les difficultés !
Pour que se perpétue le cri de nos frères espagnols tombant en 36 : « Viva la anarquia ! »

LE “LIBERTAIRE” VIVRA !

Attention ! ! ! Le lib. reparaît hebdomadaire, chaque vendredi, au prix de 15 francs le numéro.
Le Comité National de 1a Fédération Anarchiste.

Prix de l’abonnement inchangé, jusqu’au 15 janvier 1951. Hâtez-vous !
Avis aux groupes : Cette page peut être affichée surchargée d’un trait de couleur (crayon rouge ou bleu). Pour la vente à la criée, la page 4 de ce numéro a été aménagée spécialement


sources :

Affiche parue en Une : Le Libertaire n° 245 (1er décembre 1950, 55e année).

cotes :