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[Le Père Peinard au populo]

Image (fixe ; à 2 dimensions)
titre :
[Le Père Peinard au populo]
adresse :
. — Paris : le Père Peinard (1889-1900),
description technique (h × l) :
. — 1 affiche (impr. photoméc.), coul. (une  : noir , papier de couleur ) ; 41 × 31 cm
notes :
descriptif :


[ texte sur papier de couleur ]

texte :

Supplément au n° 21 du Père Peinard

Le Père Peinard

Au populo

Voici le 18 mars qui rapplique. Chouette anniversaire, nom de dieu !

Des journées pareilles, jours de triomphe populaire, y en a fichtre ps épais, le long de l’Histoire.

Au 18 mars 1871, les Parisiens foutirent les pieds dans le plat et se rebiffèrent crânement. Les troubades, sentant la Révolution mûre, sans faire de magnes, levèrent la crosse en l’air.

Mince de jubilation quand les bons bougres se reluquèrent victorieux ! Croyant la Révolution à jamais triomphante, ils allèrent boire chopine chez les bistrots.

Hélas ! les gas se montaient le job : l’heure de rire n’avait pas sonné. Bien au contraire ! AU 19 mars 1871, y avait rien de fait et ce n’était foutre pas le moment de s’endormir sur le rôti ; il eut fallu se décarcasser dar-dar, se démarcher dur et ferme, tendre ses biceps, déployer nerf et initiative.

Il n’en fut rien, nom d’une pipe ! Au lieu d’opérer lui-même, le populo, toujours bonne poire, s’en rapporta aux autres : il se fia à la poigne du Comité Central. Y avait là peu de mauvais bougres ! Mais, devenus gouvernement, les types se trouvèrent aussi embarrassés devant la situation qu’une baleine qu’aurait pêché une clarinette.

Et les Parisiens, confiants dans leurs chefs, au lieu d’agir, firent le poireau !

Et on ne marcha pas sur Versailles !

Et on monta la garde devant les coffres de la Banque !

Le résultat de ce manque de jugeotte fur désastreux : les Versaillais se réorganisèrent et, grâce aux millions de la Banque de France que les Communards leur conservaient précieusement, ils furent bientôt à même de foutre une sacrée fessée aux Parisiens.

Tellement que, depuis lors, le populo en est resté tout patraque : la saignée de mai lui a coupé bras et jambes !…

Heureusement, il germe des fistons qui, — espérons-le ! — ne bouderont pas à sa besogne et seront plus à la hauteur que le furent les vieux.

Ceux-là ne s’en rapporteront plus aux Autorités pour réaliser une société meilleure ; quand ça sera le moment de se montrer ils marcheront carrément et, — avant toute chose, — ils s’arrangeront, en dehors de tout gouvernance, pour que chacun bouffe à sa main, que personne n’aille cul-nu, ni ne refile la comédie.

Ça fait, la Sociale aura du vent les voiles ! Dès que les bons bougres auront goûté à la vie nouvelle nul de voudra, — même les plus pantouflards, — retomber dans le pétrin capitalo et gouvernemental.

Le Père Peinard.

Bons bougres, pour vous rincer l’œil et vous décrasser les boyaux de la tête, chaque dimanche payez-vous Le Père Peinard, réflecs hebdomadaires d’un gniaff. Le caneton est en vente chez tous les libraires et coûte deux ronds.

Ce placard peut être affiché que revêtu d’un timbre d’affiches de six centimes.

Imprimerie Ch. Favier. 120, rue Lafayette, Paris.


sources :

Affiche parue en supplément du Père Peinard, ne série, n° 21 (14-21 mars 1897).

Bilan dans le n° 29 (18-25 avril 1897) du même journal :

Les Affiches du Père Peinard
Les dernières affiches, à l’occase du 18 mare, ont été collées un peu partout et le populo les a chouettement reluquées.
Turellement, un peu partout aussi, la rousse les a raclées, mais en ayant soin d’opérer la nuit, — crainte de trouver à qui parler. En effet, les affiches étant timbrées, c’est une vacherie illégale que les bourriques se permettaient et un bon bougre aurait pu les enquiquiner à, ce sujet.
C’est vrai que les policiers se foutent de la légalité autant que d’une guigne.
N’importe, il n’est jamais mauvais de leur fourrer le nez dans leurs salopises.
C’est ce qu’on a tort de ne pas faire quand l’omisse s’en présente : ce n’est pas parce qu’un roussin est roussin que tout lui est permis, nom de dieu ! Apprenons â nous faire respecter.
Nous réclamons toutes les libertés, c’est bien ! mais ce n’est pas une raison pour négliger d’user de celles que nous possédons déjà.
C’est ce que n’ont pus manqué de faire, Grenoble, le topant Cadeaux et sa compagne : le soir du 18 mars, ils étaient partis coller quelques douzaines d’affiches, quand la copine reluque deux grands escogriffes qui s’esbignaient après en avoir déchiré une. Elle court : après eux, les rattrape et leur demande pourquoi ils avaient abîmé l’affiche ?
— C’est une affiche interlope, nous allons la porter à la police.
Vous pensez si la copine leur a lavé la tête !… Cadeaux s’amène, la chamaillerie continue et les deux escogriffes, se croyant les plus forts, commencent a cogner.
Mais Cadeaux et sa copine — qui ne sont pas manchots ! —ont si bien joué du pinceau colle que les deux agresseurs ont appelè la police à leur secours.
Rien n’est venu !
C’était fini quand une bande de musicaiilons, amis des deux escogriffes, s’amena : la bagarre reprit et Cadeaux et sa compagne tinrent crânement toute la bande en respect, grâce aux pinceaux et au goguenot à colle.
Ce qu’il y a de rigolot, c’est que le lendemain Ira deux escogriffes, dont l’un n’a que 1 m. 85 de haut et l’autre 1 m. 70, sont allés porter plainte au quart d’œil, affirmant qu’ils avaient été Attaquéspar la copine de Cadeaux.
C’était si bête et si lâche que le quart d’œil les a envoyés rebondir.
En Algérie, par exemple, pays de l’arbitraire par excellence, l’affiche du 18 mars n’a pas passé sans que les marchands d’injustice cherchent pouille.
À Trenés, deux bons fieux en avaient collé une, — rien qu’une ! Ils ont été fichus au bloc et gardés douze jours au secret. Ramsout qui tient un débita Tenès a eu son café fermé ; quant a l’autre victime, Vernet, du coup il en a perdu sa place d’employé des ponts-et-chaussées.
En outre, le copain Reclus, qui avait remis l’affiche aux deux gas va être poursuivi comme complice, sous prétexte d’excitation au pillage et d’apologie de faits qualifiés crimes.
Ils ont du culot, les jugeurs algériens !
Ils sont les dignes copains de la gradaille qui torture les pauvres troubades dans les régiments africains et assassine las Chédel, les Cheyrnol et tant d’autres.
cotes :