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[Contre la vie chère !]

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[Contre la vie chère !]
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. — Paris : CGT_ Comité confédéral (Confédération générale du travail : 1895-1914-…),
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. — 1 affiche (impr. photoméc.) : n. et b. ; x × y cm
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Confédération générale du travail

Contre la vie chère !

Contre les Spéculateurs ! Sus aux Affameurs !

Ouvriers, employés, ménagères, tous les jours on vous affame !

Les requins du marché du Commerce ont pu, par des manœuvres criminelles, réaliser des bénéfices scandaleux, en spéculant sur la misère du peuple.

Pour marquer ces agissements frauduleux, des journalistes bien stylés ont crié, sur tous les tons, que cette hausse exorbitante était due à l"application des lois sociales, à l’augmentation des salaires, aux grèves multiples entreprises et entretenues par les meneurs de la CGT.

Ce sont là des idioties et des mensonges !

L’augmentation n’est as le fait des revendications ouvrières.

Tout le démontre. En voici la preuve.

Le journal Les Débats, du 30 août 1910, déclare : « Qu’on ne saurait trouver dans les charges nouvelles incombant aux patrons, par suite des augmentations de salaires, une explication suffisante de la montée des cours depuis six ou sept ans. »

L’aveu ne peut pas être plus explicitement formulé.

Si l’on compare les prix des denrées avec les salaires des ouvriers employés à la production de ces denrées, le mensonge de ces affirmations intéressées apparaît évident :

Prix moyens des denrées
1900. — Pain : 0 fr. 55 à 0 fr. 60 les 4 livres. — Viande : bœuf, 1 fr. 16 le kilo ; mouton, 1 fr. 62 le kilo. — Vin : 0 fr. 20 à 0 fr. 26 le litre. — Sucre : en 1903, après la suppression des primes, 0 fr. 60 le kilo.
1910. — Pain : 0 fr. 85 les 4 livres à Paris. — Viande : 1 fr. 54 à 1 fr. 90 le kilo. — Vin : 0 fr. 40 à 0 fr 45 le litre. — Sucre : 0 fr. 85 le kilo.

Taux des salaires journaliers moyens en France
1900. — Boulangers : 5 fr. 50. — Bouchers (à Paris) : 8 fr. — Vignerons : 2 francs. — Raffineurs : 3 fr 75 à 4 fr. 25.
1910. — Boulangers : 5 fr. 50. — Bouchers (à Paris) : 8 fr. — Vignerons : 2 fr. 50. — Raffineurs : 3 fr. 75 à 4 fr. 25.

En Angleterre, les ouvriers gagnent plus, travaillent moins d’heures qu’en France, et le coût général de la vie y est très inférieur. Un ouvrier anglais paie 82 francs la même quantité de marchandises que nous payons, en temps normal, 100 francs.

L’accaparement et la spéculation sont les responsables du renchérissement.

Donc, contrairement à ce que disent les plumitifs de la Bourse du commerce, il y a accaparement et spéculation.

En voici la démonstration :

Pour les blés : M. Vassilière, directeur au ministère de l’Agriculture, dans Le Temps du 4 août 1910, très catégoriquement, dit :
« La spéculation a profité de la note pessimiste qui a prévalu pendant un grand mois sur les marchés français.
« La hausse extraordinairement brusque, qui a atteint trois francs en 10 jours, n’a pas d’exemple depuis ces cinquante dernières années : elle est complètement injustifiée. »

Les Débats du 3 septembre donnent, sur les stocks de blés, les chiffres suivants :
1909. — Avril : 308 millions de quintaux ; mai : 313 ; juin : 219 ; juillet : 114 millions de quintaux.
1910. — Avril : 250 millions de quintaux ; mai : 258 ; juin : 287 ; juillet : 248 millions de quintaux.

Ainsi, en juillet 1910, la réserve était de 134 millions de quintaux supérieure à celle de juillet 1909. — La production mondiale étant plus élevée que les années écoulées, comment alors justifier l’augmentation actuelle autrement que par une spéculation éhontée, établie par L’Action du 24 août 1910, qui dit :
« Avec 24 francs de blé et 35 francs de farine, le spéculateur a réalisé un jeu de bénéfice de 20 francs, en deux mois, et cela avec le même stock et entre les mêmes mains. »

Pour le sucre : M. Bougenot, du Syndicat des producteurs, dans Le Radical du 9 avril 1910, affirme « qu’à La Havane, lieu des plantations de sucre du Syndicat, la production est normale.
« Il est vrai, dit-il, que tous les mardis, très régulièrement, arrive en Bourse une dépêche annonçant que la production est en baisse, de même que deux jours après en arrive une autre remettant les choses en l’état. »

Voilà des manœuvres qui établissent nettement la spéculation.

En ce qui touche les grèves, M. Doumergue, administrateur du Syndicat général des sucres, dit dans L’Information du 15 avril 1910 :
« Contrairement aux raisons invoquées au Palais-Bourbon, la prolongation de la grève des Raffineries de Marseille est un argument sans portée en ce qui concerne la hausses des sucres… »

La réalité est que le marché français des sucres est entre les mains d’un cartel, formé par les maisons Say, Lebaudy, Sommier.

Pour récupérer les sommes perdues depuis la suppression des primes, ces messieurs poussent à la hausse et veulent rétablir, comme prix des sucres, le taux de 1 francs à 1 fr. 20 le kilogramme.

Pour la viande : M. Albert Dulac, dans Le Musée social de juillet 1909, déclarait :
« Les opérations, artificiellement concentrées à la Villette, où les animaux viennent pour être vendus une première fois, commandent, pour le mouvement des prix, tous les marchés de France. »

En ce qui concerne l’écart entre les prix d’achat et les prix demandés aux consommateurs, il dit : « L’on peut prouver, par des chiffres irrécusables, qu’il s’élève jusqu’à 56 pour cent de la valeur du produit, laissant 15, 30 et même 35 pour 100 de bénéfice net à ceux qui préparent la viande pour être vendue. »

On a prétendu que l’augmentation des cours, pour cette année, était due à la rareté du bétail sur le marché. Or, les arrivages sont, pour cette année, supérieure à ceux des années précédentes.

Pour le vin, malgré la récolte déficitaire de cette année, en certaines régions, les vins en réserve et les pronostics de la récolte ne justifient pas la hausse des cours qui, fin août, sont passés, pour le Midi, de 20 francs à 40 francs l’hectolitre, pris à la propriété.

Des vins achetés sur souches à 17 et 18 francs l’hectolitre se sont revendus avant leur récolte, jusqu’à 35 francs l’hectolitre.

Le but est de faire monter les vins futurs à 50 francs l’hectolitre d’abord, et à 60 francs plus tard.

De cet ensemble, il se dégage la preuve que la spéculation est seule responsable.

Contre elle, il nous faut lutter ! Comment ? En boycottant les produits.

Comme en Amérique, pour la viande ; comme en Bavière, pour la bière, le boycottage de certaines denrées, par la classe ouvrière, est la seule arme dont nous disposons pour faire reculer les forbans du commerce.

La Confédération, soucieuse de matérialiser le mécontentement soulevé parmi les travailleurs, par les manœuvres des agioteurs, a décidé d’inviter les Bourses du travail, les Unions de syndicats et toutes les organisations ouvrières à organiser dès maintenant des meetings de protestation.

De plus, afin de donner une conclusion pratique à sa campagne, elle demande aux consommateurs de porter immédiatement leur effort sur le boycottage d’un produit : nous avons choisi le sucre.

Que, dès aujourd’hui, les ménagères soucieuses de leur intérêt s’abstiennent pendant quelque temps d’acheter ce produit, et nous ferons rendre gorge aux affameurs

Le Comité confédéral.

[…]


sources :

Affiche sur la spéculation parue lors de l’agitation — démarrée en 1910 — sur l’augmentation du cout de la vie ; une brochure et des tracts furent aussi édités (d’après Rapports des comités & des commissions pour l’exercice 1910-1912, présentés au XVIIIe congrès corporatif (XIIe de la CGT), tenu au Havre, du 16 au 21 septembre 1912, p. 16-19).
Citée aussi — comme parue en septembre 19011 — in : Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir : ouvriers et révolutionnaires face à la guerre, 1909-1914, L’Insomniaque, Libertalia, 2014, p. 190) : la précédente campagne de la CGT, en 1910, avait eu peu de succès, mais ici la CGT revient à la charge en tentant d’orienter l’agitation « dans le sens d’une révolte contre le capitalisme, et pas seulement contre les prix. » (G. Davranche).

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