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[Déclaration de soldats anarchistes]

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[Déclaration de soldats anarchistes]
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. — [S.l.] : [s.n.], [ ?]
description technique (h × l) :
. — 1 affiche (impr. photoméc.) : n. et b. ; 48 × 29 cm
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descriptif :


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texte :

Déclaration de soldats anarchistes

Travaillleurs,

On nous a arrachés à nos familles, à nos amis, à l’atelier. Nous avons dû troquer notre blouse de travail contre le livrée officielle du meurtre.

Malgré l’ignorance dans laquelle on nous maintient, nous savons que, chaque jour les opérations du tirage au sort (numérotage pour l’abattoir) sont troublées par des protestations contre le service militaire, protestations que plusieurs ont appuyées par des actes.

Énergiques revendications de nos principes, refus de se prêter à la comédie du tirage, urnes renversées et brisées, autorités bafouées, gendarmes assommés, tricolores emblèmes capitalistes trainés dans la boue, manifestations anti-militaires défilant au son de la Carmagnole, etc., etc., voilà ce qui, à tous les coins de la France, fait voir à nos maîtres que nous les connaissons et qu’il ne nous en imposent plus.

Souillé au Tonkin, souillé au Dahomey, souillé à Fourmies, l’uniforme militaire, livrée d’esclave assassin, ne nous inspire que de l’horreur et du dégoût.

Nombre de nos camarades, plutôt que de revêtir cette livrée infâme, se sont enfuis et continueront dans les rangs ouvriers le bon combat pour l’affranchissement du peuple.

Pour nous, prisonniers à la caserne, ce bagne que nous espérons bientôt faire flamber, nous y subissons les rigueurs d’une discipline aussi impitoyable qu’abrutissante, nous nous exposons à tous les dangers d’une répression d’autant plus cruelle qu’elle s’exerce contre des hommes conscients.

Si nous restons dans cet enfer, nous y restons la rage au cœur, ulcérés par nos souffrances de chaque moment, par les injures des galonnés, les jours de prison, la perspective du Conseil de guerre ou de Biribi, par la menace des feux de peloton. Nous y restons avec notre haine mortelle de l’autorité, et guettant avec impatience l’heure de nous servir de nos armes contre nos bourreaux.

l’idolâtrie patriotique ne nous séduit plus, ce mensonge a fait son temps. Nos cœurs na battent pas à l’espoir d’une tuerie entre peuples.

Ce n’est pas de cette guerre-là que nous voulons.

Nos maîtres, les gouvernants de tous pays, nos ennemis enfin, qui se sont partagé la terre comme s’il s’agissait d’une simple émission de Panama, eux dont la devise est diviser pour régner, et qui ont intérêt à endiguer le flot montant de la révolte, eux, les capitalistes, les parasites, les voleurs, eux, les lâches que la moindre cartouche de dynamite fait trembler malgré leur police, eux, qui se terrent dans leurs caves quand les autres se battent, sont les seuls intéressés à une guerre entre travailleurs.

Ceux qui peinent et qui souffrent, que la besogne accable et que la faim tenaille, ceux qui travaillent pour enrichir les fainéants, ceux qui font tout et qui n’ont rien, les prolétaires, en un mot, qu’ils soient d’un pays où d’un autre, que le hasard les ait fait naître en deçà ou en delà de telle montagne ou de telle rivière, sont tous également exploités, tyrannisés, meurtris.

Tous, nous n’avons qu’un ennemi commun : les exploiteurs de tous pays.

Tous les exploiteurs, sans distinction : les exploiteurs économiques, c’est-à-dire les capitalistes, et les exploiteurs politiques, c’est-à-dire les gouvernants.

Quelle distinction pourrait être faite entre ceux qui tiennent les peuples à la gorge et ceux qui les dépouillent ?

Les uns et les autres, politiciens ou capitalistes, sont étroitement solidaires dans la perpétration commune de leurs cimes.

Les détenteurs de la Propriété, ces voleurs, et les détenteurs du Pouvoir, ces meurtriers, se partagent fraternellement le butin.

Fatalement complices, ils sont inséparables et doivent être renversés du même coup.

Leur prestige disparaît et leur inquiétude, bien visible, est de bon augure.

Ils sont une poignée, vous êtes des millions.

Ils règnent par le mensonge et l’hypocrisie. Vous avez la force que vous donnent la conscience de vos droits et la haine accumulée en vous par de longs siècles de souffrances.

La grève, surgissant de toutes parts, fait voir que vous en avez assez de votre misère toujours grandissante, de votre servitude, de vos humiliations.

Vous ne voulez pas laisser vos femmes et vos enfants en proie aux tortures de la faim, pendant que la racaille bourgeoise consacre à l’orgie les millions volés au peuple.

Nous savons cela et nous venons vous crier : « Courage ! ».

Nos maîtres feraient volontiers une autre semaine sanglante, un nouveau ùai 71 plutôt que d’abandonner une parcelle de leurs privilèges.

Nous sommes des soldats. C’est sur nous que la bourgeoisie compte pour la protéger et la défendre contre vos revendications.

La bourgeoisie se trompe ! Nous sommes des vôtres. On n’est pas parvenu à pourrir notre cœur. Nous restons avec vous.

Prolétaires,

Nous nous souvenons de nos aînés qui, au 18 mars 71, passèrent dans les rangs du peuple révolté et collèrent au mur deux généraux.

Quand, las d’être pressurés, volés, affamés, vous voudrez jeter bas la bourgeoisie, reprendre possession de la terre et des instruments de travail, quand vous voudrez jouir enfin de la liberté, avoir votre part de soleil, nous ne marcherons pas contre vous.

Nos maîtres se sont déclarés satisfaits quand, à Fourmies, les Lebel dirigés sur le peuple, massacraient des ouvriers, blessaient femmes et enfants, trouaient la blanche poitrine d’une jeune fille.

Nous n’imiterons pas ces soldats abrutis par la discipline.

Nous serions des lâches, des traîtres, des assassins. Nous sommes des révoltés, des justiciers.

Nous serons des vengeurs !

Quand on nous donnera l’ordre de faire feu, nous dirigerons le canon de nos fusils sur les charognes galonnées qui nous commandent.

Vive la révolution sociale ! Vive l’anarchie !

Impr. de la Liberté, route de la Révolution


sources :

Rédigée par Weil au sein du club « L’Autonomie » de Londres ? et interdite en février 1893 (http://raforum.info/dissertations/IMG/pdf/Sources_imprimees.pdf p. 24).

Édouard Walter, Fournier et Heitmann ont été poursuivis, à Saint-Omer, pour cette affiche diffusée en mars 1893.

https://militants-anarchistes.info/?article13027
https://militants-anarchistes.info/IMG/jpg/soldats_anarchistes.jpg

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