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Rapport pour le Congrès antiparlementaire international (Paris, septembre 1900)

La propagande par l’affiche (Les Temps nouveaux, octobre 1900)

par Demont

1900

Cet article de Demont paru dans le supplément littéraire des Temps nouveaux des n° 25 et 26 de la 6e année (13-19 et 20-16 octobre 1900) fait parti « des rapports qui devaient être lus au Congrès International antiparlementaire interdit. » (Congrès antiparlementaire international, Paris, septembre 1900).

II est un point sur lequel tous les anarchistes sont d’accord.

C’est que tous les efforts doivent tendre à rendre conscients, nécessairement au moyen de la propagande, le plus d’individus possible.

Plus ou moins, nous connaissons tous les moyens jusqu’à ce jour employés.

Usant de divers, je viens, par ce petit rapport, en proposer un qui, je crois, serait relativement efficace.

Je veux parler de la propagande par l’affiche.

Par l’affiche qui traitera des événements qui passionnent l’opinion publique, des événements vis-à-vis desquels les inconscients ne restent pas indifférents.

Ici, je place les considérations suivantes :

Les journaux qui traitent, qui parlent des idées que nous aimons, propageons et défendons, ne sont généralement lus que par des libertaires, qui les lisent pour s’instruire d’abord, — s’entend pour ceux qui en ont besoin et je me trouve clans ce cas — ensuite , et c’est le cas chez de nombreux libertaires par esprit de propagande, tout simplement pour les faire vivre.

D’où il découle que tout le restant ne les lit pas ; que beaucoup de gens même ignorent qu’i l existe des journaux anarchistes.

D’autre part. l’Idée est discréditée tant et plus, et au point que certains individus prédisposés auxquels vous présentez votre journal reculent devant son titre. S’ils ne le font pas voir, ils conservent même vis-à-vis de vous une certaine méfiance.

Donc, nos feuilles n’existent que pour nous, parce que l’idée étant discréditée avec toute la mauvaise foi des intéressés, il n’est même pas un moyen qui consiste à les faire lire.

L’anarchie réelle, et non celle des bourgeois, n’est connue·que d’une infime minorité.

C’est à cette minorité qu’incombe tout le fardeau.

La propagande par l’affiche pourrait instruire beaucoup de monde ; pourrait faire connaitre à beaucoup de monde gratuitement ce que c’est que l’anarchie.

Tel événement qui préoccupe tous les esprits — guerre anglo-boer — guerre de Chine — plus anciennement conférence do La Haye — serait moment opportun pour faire paraitre une affiche. Ce que disent nos journaux serait dit par l’affiche. Succinctement et dans un style correct, la vérité, qui ne se dénature pas, serait placardée sur les murs.

C’est triste que l’on soit obligé de placarder sur des murs les vérités. Enfin poursuivons.

L’affiche est toujours lue ; encore plus quand elle traite d’une question qui est à l’ordre du jour du moment.

L’analyse et la conclusion instruiraient énormément la masse qui ne raisonne pas, qui voit les choses très superficiellement au lieu de les raisonner jusqu’au bout.

Dans l’affiche que je propose, tout est à étudier. Son titre ne devrait pas être ronflant, mais fait, du moins rédigé, de telle sorte que l’on voie ce que nous pensons. Par exemple : Pensées libertaires sur… etc… Son texte, excessivement correct ; la question logiquement et clairement exposée.

La conclusion — conséquemment la seule vraie que l’on puisse en tirer pour le bien de l’humanité.

On pourrait, si c’était un journal qui prenne l’initiative de ce genre de propagande, ou si c’était quelqu’un qui agisse de concert avec un collaborateur dans un journal, ajouter que la question traitée par l’affiche sera l’objet d’une étude dans tels et tels journaux que l’on indiquerait.

L’affiche’est coûteuse, c’est vrai, mais faisons-la. paraitre au moyen de souscriptions et leur petit nombre importe peu, si les résultats sont bons.

D’autre part, on peut objecter qu’elles sont vite déchirées.

Tout cela dépend de la façon plus ou moins intelligente dont elles sont placardées. Je ne pense pas qu’une affiche placée assez haut et à un endroit choisi après étude des lieux, habitudes, etc., encoure tant de risques.

À cet effet, je citerais deux endroits à Marseille où sont encore collées deux affiches dans lesquelles des anarchistes invitent les travailleurs à ne pas. voter. Cela date des dernières élections législatives. De temps en temps, je vois quelques personnes qui les lisent.

À mon avis, la souscription devrait être permanente et avoir pour siège Paris.

Les affiches, rédigées et imprimées à Paris, seraient expédiées en province aux camarades qui en feraient la demande.

Elles pourraient même être demandées à l’avance ; de cette façon, l’on serait fixé sur le tirage à faire. Les frais de timbre seraient supportés dans les localités.

La propagande serait générale et porterait. Il n’en peut être autrement.

Les journaux y gagneraient, conséquemment la propagande.

On dira que des affiches ont déjà paru. Je réponds oui. Mais jamais dans le sens que j’indique.

Poliment, en un moment opportun, il faut faire voir au peuple gratuitement, sur les murs, un événement dépouillé de tous les mensonges bourgeois, nu comme ver — comme on dit. — Dans tous les cas, il verra qu’il est grugé, trompé, tout ce que vous voudrez, et il le verra d’autant plus que vous lui
exposerez dans un langage à sa portée et qu’il ne verra pas en nous des brigueurs de mandat intéressés. Je porte la question à la connaissance du Congrès persuadé qu’il m’éclairera.

Cc dont je le remercie bien sincèrement.

Salut fraternel à tous les défenseurs de la société libertaire à laquelle nous aspirons tous. Vive l’Anarchie !

Demont



https://archivesautonomies.org/IMG/pdf/anarchismes/avant-1914/tempsnouveaux/suppl-litt-tn/LTN-n26.pdf