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[Aux Algériens]

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titre :
[Aux Algériens]
adresse :
. — Alger = الجزائر (Al-Jazā’ir) Alger : [s.n.],
description technique (h × l) :
. — 1 affiche (impr. photoméc.) : n. et b. ; x × y cm
notes :
descriptif :


texte

texte :

Aux Algériens

Je viens en Algérie parce que c’est mоn droit, parce que la terre d’Alger est mienne comme celle de tous.

Je n’y apporte ni provocation, ni défi, ni haine personnelle. J’y débarque seul, sans autre escorte que mes convictions, sans autre force que ma confiance en une population dont j’ai toujours entendu vanter les mœurs hospitalières et les sentiments chevaleresques.

À personne je ne demande secours, estimant que je suis sans ennemi, et je repousse à l’avance toute protection, policière ou gouvernementale que je considérerais comme une insulte faite à mes adversaires et à moi-même.

C’est en homme libre que je veux parler à des hommes libres ; c’est avec les seules armes de la sincérité que je veux combattre ; c’est avec mes seules ressources et sous mon unique responsabilité que j’agis.

Je m’adresse à tous et à tous je dis :

« Cherchons ensemble les des maux qui nous accablent. Etudions-les sans autre souci que celui de l’exactitude, sans autre passion que celle de la vérité. »

Si cet appel à la discussion publique, franche, loyale et courtoise a la bonne fortune d’être entendu, cette expérience démontrera que, malgré nоs divergences de vue, nous sommes tous animés de pures intentions, de nobles désirs et d’aspirations élevées , et nous ramènerons la paix en cette ville d’Alger en proie, depuis quelque temps, à de si formidables convulsions.

Habitants d’Alger, Voulez-vous qu’à l’agitation dont vous êtes las succède une action salutaire ?

Voyons, amis, le voulez-vous ?

Je suis, certes, bien peu de chose ; jamais encore je ne suis venu parmi vous ; je ne m’y connais aucune affection et, de vous parler en ces termes est bien osé. C’est mon effacement même qui m’inspire confiance et doit vous prédisposer à m’entendre.
Mes adversaires peuvent être certains qu’ils n’auront à me reprocher ni calomnies, ni injures : je me flatte qu’ils n’emploieront pas contre moi ces manœuvres perfides.
Ils ont des convictions ; ils les exposent et les propagent ; ils font bien. Je ne demande qu’à user du même droit. Ce que, depuis six ans, par la plume et par la parole, je fais en France, je demande à le faire en Algérie.

Voudra-t-on m’en empêcher ? Je suis persuadé que non et j’ai l’espoir que, si, prétextant de vaines craintes, le Pouvoir s’arrogeait le droit de violer en ma personne la faculté de circuler librement, de vivre au milieu de vous et d’у parler, vous sauriez le ramener, par votre altitude, au respect de notre commune dignité.

En terminant, j’affirme que les déclarations qui précédent sont l’expression complète et rigoureuse de ma pensée.

Sébastien Faure.


sources :

Vu dans Le Droit de vivre, n° 4 (11-18 mai 1898) : « Voici le texte de l’affiche apposée sur les murs d’Alger deux jours avant l’arrivée de notre ami dans celte ville ».

cotes :