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[La foire électorale est ouverte, choisissez votre trique]

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titre :
[La foire électorale est ouverte, choisissez votre trique]
adresse :
. — Toulon : la Voix libertaire (1947),
description technique (h × l) :
. — 1 affiche (impr. photoméc.), coul. (une  : noir , papier de couleur ) ; 65 × 50 cm
notes :
descriptif :


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La foire électorale est ouverte, choisissez votre trique

La Foire Électorale va commencer. Ou plutôt recommencer.

Car on va « remettre ça ». Les gogos ne se lassent pas de voter comme d’aller à la messe. Ils croient toujours en Dieu ou en leur candidat. S’ils ne gagnent pas, ils paient ! ma foi, c’est toujours ça.

La bêtise humaine est incommensurable et surtout, inusable. « Voyons, dit l’électeur, on m’a flanqué une volée avec cette trique ? Qu’on m’en flanque une autre. Attendez, je vais choisir moi-même. Une bonne trique douce comme le velours, qui sera un délice à chacun de ses coups ».

Et l’inguérissable gogo choisit sa trique. Elle s’appelle le parti conservateur, radical, radical socialiste, le rassemblement des gauches, le rassemblement des droites, le rassemblement du centre, du demi-centre, du quart et du trois-quarts de centre, le parti socialiste, le parti communiste, le parti démocrate, chrétien. choisissez, choisissez, messieurs. Toutes ces triques sont là pour vous servir.

Par qui voulez-vous être battus ? Il n’y a que l’embarras du choix. Ouailles électorales en quête d’un berger ! C’est vous qui paierez les impôts nouveaux les contributions directes et indirectes dont vos élus, de droite, de gauche et du centre, s’ingénient à vous abreuver.

Prix des timbres ou prix du tabac, prix du pain ou prix du métro, prix du loyer ou du ciné, prix du théâtre ou des water, allez-y donc, messieurs les électeurs, vous en aurez toujours plus que vous en voudrez.

Vos élus seraient sots de se gêner. Vous ne vous fatiguez pas d’aller mettre dons l’urne le petit bout de papier avec vos prières : « O Dieu de mon parti, mon candidat chéri, exauce ma prière, fais pleuvoir sur la terre, fais pousser les moissons, engraisser les cochons, répare » demeure, ou construits m’en sur l’heure, diminue les impôts, mets la poule en mon pot, assure le couvert, le vin et le dessert, et ton catéchumène dira toujours amen ! »

L’élu de votre cœur ne fait pas pleuvoir, car on peut plutôt apparenter la nuée des conseillers et députés aux nuages de criquets contre lesquels on n’emploie pas, hélas ! de son empoisonné ; ils ne font pas pousser les moissons, engraisser les cochons, n’ayant pas encore trouvé de lois efficaces sur ce genre d’activité ; ils ne réparent ni ne construisent de demeures, car ils ne sont pas maçons ils ne diminuent pas les impôts, puisque leur rôle est d’en fabriquer toujours ; ils préfèrent manger la poule que la mettre en votre pot, mais ils vous laisseront les os dont ils auront, au préalable, ex trait jusqu’à la moelle.

Et ça recommence, et ça continue, et ça recommence, et ça continue. Votez, votez, gogos ! c’est le mât de cocagne ! en France et en Bretagne la corne d’abondance versera la pitance.

Car n’est-ce pas, s’il y a du blé, des pommes de terre, des betteraves, des poires, du raisin et du vin, des troupeaux, du charbon, on produit des tissus, des machines, des chaussures, des livres, c’est bien grâce aux candidats que vous avez élus ? Le paysan cesserait de labourer, de semer, de herser, de récolter, le mineur d’arracher le charbon, le métallo de travailler le fer s’il n’y avait pas d’élus pour leur donner l’exemple.

Ça dure depuis trois-quarts de siècle. Et vous n’êtes pas fatigués. Cependant, soyons justes, il y a eu, aux dernières élections un nombre important d’abstentions. Pour ceux-là, le grand général a trouvé la formule : le Rassemblement Populaire Français. Car il est du peuple le général. Ce n’est pas une trique, c’est une gaule. Une gaule à faire tomber les poires. Il fonde le parti des antipartisans, la politique antipoliticienne, le parlement antiparlementaire. Sac au dos, et ça va barder. En avant, arche ! suivez le patriarche. Ou plutôt, suivez le guide. Sa houlette est la bonne. Voulez-vous en tâter ? Elle est délicieuse, et douce, et parfumée. Et vous êtes sauvés si vous votez pour lui.

La France se relèvera. Vous n’aurez plus besoin de labourer la terre : les récoltes viendront, abondantes et dorées de par la grâce incantatoire de ses périodes oratoires. Vous n’aurez pas besoin de frapper sur le fer.

Vous mangerez, grâce au grand Charles, tous les jours du saucisson d’Arles, et surtout, on vous diminuera les impôts, on réduira le coût de la vie. Et beefsteack ou rôti tous les jours vous aurez, et vous boirez du vin autant que vous voudrez. Comptez dessus. Et buvez de l’eau !

Qui veut sa trique ou sa houlette ? Choisissez, choisissez, messieurs ! La Foire électorale est ouverte. Entrez donc, ça va commencer. Puisque vous n’en avez pas assez. Impôts, impôts, impôts, impôts ! Et puis du vent dans votre pot !

La foire aux dindons
Musique de G. Isabelli

I
L’autre jour, dans mon village,
C’était la foire aux dindons…
Tous ces oiseaux sur l’herbage
Avaient de triples mentons.
Ils devaient à leur mangeoire
Un abdomen, de prélat…
Mais les plus gros de la foire
N’étaient pas ces dindons-là !
 
II
Dindons de toutes les tailles,
Ils excitaient la fierté
Des amateurs de volailles
Qui les mettront eu pâté…
Leur plume était verte et noire
Et brillait d’un vif éclat ;
Mais les plus beaux de la foire
N’étaient pas ces dindons-là !
 
III
On les chargeait, en voiture
Et, vendus au poids de l’or,
Ils pataugeaient dans, l’ordure,
Contents d’avoir un tel sort
Dans la charrette à Grégoire,
Ils se croyaient au Sénat…
Mais les plus grands de la foire
N’étaient pas ces dindons-là !
 
IV
Quand le soir vint sur la plaine,
Marchant à pas de velours,
La place fut longtemps pleine
De cris gutturaux et lourds…
Car, ivres de toujours boire
Pour tel ou tel candidat,
Au lieu de quitter la foire,
Les plus dindons restaient là !

Eugène Bizeau.

Abstention - Abstention

Cette affiche est éditée par La Voix libertaire. Elle doit être timbrée à 6 frs et rayée d’un trait de couleur. ★ Imprimerie D. Andreucci Toulon


sources :

Texte repris depuis Le Libertaire n° 92, d’après Bianco.

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