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« Des affiches ! » in : Le Père Peinard (26 octobre 1890)

1890

Article [du Père peinard, Émile Pouget] paru dans Le Père Peinard n° 84 du 26 octobre 1890. Une affiche parait d’ailleurs dans le numéro suivant.

Les affiches, c’est quelque chose de très bath ! c’est une rallonge foutue au journal, c’est même plus qu’une rallonge, non de dieu, c’est le journal gratuit foutu sous les quinquets de tous.

En effet, un canard n’est acheté que par les gas qui ont la possibilité et la volonté.

Pas exemple qu’un pauvre bougre le Père Peinard à la vitrine d’un libraire, s’il n’a pas deux ronds dans sa profonde, faut qu’il se tape : la possibilité lui manque.

Si un copain embarbouillé de préjugés passe devant la même vitrine, mais encore bouché à l’émeri, ne sait rien de rien, il a beau avoir des deux ronds plein son porte-braise, il passe sans se payer le canard : il n’a pas la volonté.

c’est dire, nom de dieu, qu’il est bougrement difficile de faire acheter un canard par un tas de jemenfoutistes, qui seraient de bons zigues, s’ils savaient.

Pour qu’ils arrivent à savoir, faut leur foutre les machines sous le nez, pour la peau. De sorte, qu’ils soient accrochés sans le vouloir, et que s’en sans rendre compte, ils se foutent dans la caboche quelques bonnes idées.

Le truc pour ça, c’est l’affiche, nom de dieu !

L’affiche, c’est ce qu’il y a de plus bath !

Les gouvernants le savent, les salops. Ils savent que le premier tartempion venu peut se fendre d’une affiche, tandis qu’il faut être un peu à la hauteur pour accoucher d’un canard, si petit soit-il ; le Père Peinard en est la preuve, s’il n’a pas arraché la queue d’un diable, c’est qu’elle est bougrement vissée !

Donc, pour empêcher les bons bougres de faire des affiches à tire-larigot, les jen-foutres ont collé sur chaque affiche un impôt formidable.

des copains se disent : « Y a qu’à faire des affiches et à les coller sans timbre !… » Mais alors, vous ne remplissez pas le but, qui est de foutre l’imprimé sous les yeux de tous. Sans timbre, une affiche est vivement arrachée par les sergots, avant que personne ait pu se l’appuyer.

En outre, on ne peut en coller qu’une demi-douzaine, car il y a tellement de risques à courir, que beaucoup se disent : « Le jeu n’en vaut pas la chandelle… »

Y a pas, il en est de ça comme d’un tas de choses, dans la garce de société bourgeoise : faut subir la légalité ! On renaude, mais on la subit tout de même.

Ceci dit, la Père Peinard veut se vendre d’une nouvelle affiche au populo.

Les bouffe-galette viennent de radiner à l’Aquarium : la petite comédie va recommencer ; c’est le moment d’en foutre un coup, et de dire aux pauvres bougres ce qui en est.

De toutes les promesses de réformes que ces salops ont faites y a un an, que reste-t-il ? Du vent.

Pardine, les zigues d’attaque savent qu’il ne pouvait en être autrement ; hélas, ils ne sont pas assez à la savoir !

C’est pourquoi, faut, une fois de plus, le rabacher aux camaros qui se sont laissé monter le coup par la fripouillerie gouvernementale, et ajouter, qu’en dehors du chambardement général, y a rine à attendre qu’une augmentation de mistoufles

L’affiche aura le format habituel, et paraîtra avec le n° 85 du Père Peinard.

Les camaros qui en désirent, feront pas mal d’envoyer le montant en même temps que la demande, à raison de un franc les dix affiches, et de huit francs le cent, timbre et port compris.

Le Père Peinard voudrait bien la donner gratis pro deo, mais y a pas mèche ; donc aux copains de donner un bon coup d’épaule.

Tachez, les aminches, que les demandes rappliquent dare dare, de façon qu’elles soient à Paris lundi ou mardi au plus tard.

En outre l’affiche sera donnée en supplément avec le n° 85. Si pour cette occase, il faut augmenter les envois, ne ratez pas le coche.

Sourtout, les copains, pas de blague, ce seraitune sale histoire que de coller l’affiche-supplémentaire sans timbre : c’est sur pas celui qui aurait collé l’affiche que les avaros tomberaient, mais sur le Père Peinard. Ce serait une sale blague qui n’en vaut pas le coupe.



L’affiche annoncée plus haut, parait en supplément au Père Peinard n° 85 du 2 novembre 1890 avec cet avertissement :

« C’est avec ce numéro que les copains recevront l’affiche dont j’ai dit quatre mots la semaine dernière.
Comme je l’ai dit, ça serait chouette de pouvoir la placarder partout, mais les grosses légumes y ont mis bon ordre : ils savent que l’affiche, c’est les idées mises à la portée de tous, même des pauvres bougres qui n’ont ni porte-braise, ni poches pour se fouiller, ils veulent qu’on foute sur chaque affiche un timbre de 6 centimes. Or, nom de dieu, n’étant pas très argenté j’en puis pas faire ce que je voudrais.
Si les bons fieux veulent s’en payer : c’est 8 francs le cent, vingt sous les dix, timbres et frais d’envoi compris.
Ceux qui voudraient se passer la fantaisie de coller l’affiche qui est donnée en supplément, qu’ils achètent un timbre et l’oblitèrent ; pour six centimes ils en verront la farce.
La placarder sans timbre créerait plus d’emmerdements que ça ne vaut, vu que c’est le Père Peinard qui en supporterait la responsabilité et non le copain qui l’aurait collée.
 ».