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[Bonne année à la population ; une réponse aux vœux du président aux Français]

Image (fixe ; à 2 dimensions)
titre :
[Bonne année à la population ; une réponse aux vœux du président aux Français]
adresse :
. — Toulouse : [s.n.], (Imprimerie spéciale [Impr. spéc.])
description technique (h × l) :
. — 1 affiche (impr. photoméc.) : n. et b. ; 42 × 30 cm
notes :
descriptif :


[ texte (vœux de bonne année de la part d’un cheminot) ]

texte :

Bonne année à la population

une réponse aux vœux du président aux Français

Mes chers compatriotes et immigrés de toutes nationalités,
Je remercie la tradition qui me vaut de vous souhaiter la bonne année et d’adresser un signe d’amitié à ceux qui luttent contre la société de classes et son cortège de pollutions, de répression, d’exploitation et d’aliénation, de pauvreté et de misère, d’inégalité et d’injustice...

Les vœux que je forme pour vous ne varient pas avec le temps bien que les temps soient changeants et, je l’espère, porteurs d’un vrai changement. Je souhaite que la population exploitée, et celle en voie de l’être, sache s’unir quand il faut. Je souhaite qu’elle sache réaliser son autonomie vis-à-vis des partis politiques et des syndicats, vis-à-vis de toute représentation quelle qu’elle soit, tant il est vrai que celle-ci a toujours fait le jeu de l’ordre établi : les lycéens et étudiants d’une part, les cheminots d’autre part ont déjà commencé partiellement à tracer cette voie de l’autonomie et des assemblées autonomes, sans laquelle aucune émancipation sociale réelle n’est possible. Je souhaite enfin qu’elle parvienne à gagner la guerre de la liberté par une révolution moderne porteuse de la démocratie directe.

Qu’elle sache s’unir quand il faut. Les événements de 86 ont montré que la nécessité de faire front, sans hésiter, contre la société de classes inégalitaire et répressive, aliénante et sélective, s’imposait. Ils ont montré, plus que jamais, que le terrorisme, par le réflexe défensif d’identification à l’État qu’il provoque, sert les intérêts du capitalisme moderne — qui d’ailleurs ne se prive pas de l’utiliser — aussi bien que l’action falsificatrice et mensongère de tous les syndicats et partis ; ils ont montré, avec la catastrophe de Tchernobyl, qui aurait pu être pire, que la pollution dévastatrice par le nucléaire civil était l’épée de Damoclès suspendue au-dessus du monde, et que les dirigeants sont prêts à détruire toute vie sur la planète plutôt que de remettre en cause là société qui légitime une telle monstruosité , ils ont montré qu’une importante partie de la jeunesse refuse l’iniquité, l’inhumanité, la répression inhérentes à la « démocratie » bourgeoise ; ils ont montré, à la lumière du mouvement lycéens-étudiants et des grèves ouvrières sauvages qui l’ont suivi, que les fractions de la population devaient s’unir par delà les corporatismes dans lesquels partis et syndicats désiraient les enfermer, si elles ne voulaient pas que leurs « victoires » remportées dans l’isolement et la séparation, sur le terrain de l’économie, se transforment insidieusement avec le temps en totale défaite ; ils ont montré, enfin, la peur de tous les défenseurs du capitalisme devant la perspective d’une généralisation de la lutte autonome des masses. de Maire à Bergeron et Chirac en passant par Mitterrand et Marchais, et, a contrario, la nécessité pour celles-ci de persévérer dans leur contestation théorique et pratique de la société marchande : voilà une grande cause internationale autour de laquelle se rassembler.

Mais il est d’autres raisons encore au mécontentement. La politique en général et les politiciens en particulier, avec leurs occultations diverses et leurs mensonges maladroits, leurs affairisme inhumain et leur arrivisme égoïste, engendrent dans la population un vaste et sain mouvement de méfiance, qu’il s’agisse de soi-disant défendre « les intérêts » des lycéens et étudiants ou des salariés, de « libéraliser » ou « nationaliser » les entreprises pour sortir de la « crise économique et du chômage » (chantage destiné à s’opposer aux grèves et à maintenir l’ordre), ou d’en appeler sans arrêt à la « paix sociale » pour que la « France gagne » et que les salariés, bien sûr, perdent leur vie à la gagner... Le résultat en est que la base recommence de plus en plus à penser, et avec raison, qu’elle doit prendre en main ses propres affaires pour ne pas être plus longtemps trompée, manœuvrée, contrôlée...

Je n’insisterai que sur un point. L’émancipation du salariat ne se réalisera pas toute seule. Elle devra livrer, dans les temps qui viennent, de rudes assauts. Elle a besoin qu’on l’aide et que l’on y croie, elle a surtout besoin que l’ensemble des populations prolétarisées du monde s’en mêlent. En France, c’est déjà commencé, en Europe et dans le monde aussi, qui regardent vers cet avenir. Ne manquons pas ce rendez-vous.

Mon autre souhait, je l’ai dit, est que la population salariée, et celle en voie de l’être, sache conquérir son autonomie et réalise la démocratie directe.

Les élections législatives du 16 mars ont posé un problème nouveau. Nous avions passé près de 5 ans avec une majorité qui s’était distinguée entre toutes par son machiavélisme et comme étant, sous des couleurs « d’humanisme », franchement anti-ouvrière : licenciant les travailleurs par centaines de milliers au nom de la sacro sainte économie en crise ; faisant donner la police probablement « populaire » dans maints conflits du travail ; visant, sous couvert de « changer la vie », à adapter la survie aux impératifs de la modernisation de l’économie ; encourageant par tous les moyens la contestation de détails et non de l’ensemble du système, la fausse contestation qui, par exemple, dénonce le cynisme de la droite pour mieux masquer le sien ; pratiquant en coulisses le terrorisme occulte d’État dans le même moment où elle dénonçait à grands cris la monstruosité du terrorisme ; se comportant en fait, en tout cela, en fidèle et rigoureuse gestionnaire de l’économie marchande, en défenseur de l’État. Et, comme digne appendice de cette belle majorité, les « communistes » du PC et de la CGT ne furent pas en reste pour se distinguer dans de nombreuses luttes par leurs manœuvres et leurs mensonges anti-prolétariens. (Talbot, Longwy, chantiers navals, etc.). Nous avons commencé l’année avec cette majorité et cette politique. Nous l’avons continuée avec une autre majorité faisant grosso modo la même politique — bien que plus caricaturale — soulevant un même mécontentement. Dans cette situation, la stratégie de Mitterrand est claire : d’une part, porter jusqu’au sommet de l’État la Sainte Alliance répressive de la domination de classe et sa division du travail, l’opposition spectaculaire entre la gauche et la droite ; et, d’autre part, s’efforcer de récupérer politiquement, avec ses amis de la gauche, ou en son nom (les présidentielles ne sont pas loin), les mouvements de contestation, tenter de les contenir sur le terrain légaliste de l’économie et de l’opposition réformiste afin d’« éviter à la France une crise inutile » (cf. Mitterrand).

« inutile » car dangereuse pour l’existence même d’un capitalisme déjà grandement éprouvé, dangereuse pour le maintien de la domination de classe défendue de longue date par tous les gouvernements. Mitterrand assure la continuité de l’hégémonie de la bourgeoisie et de son État, et il espère bien, même au milieu de la tempête, pouvoir maintenir ce cap. À certains d’exercer leur vile tâche, la répression des combattants de la liberté, dont le but louable est la rupture des freins sociaux qui entravent le bonheur public, la suppression de la misère et de ce qui l’engendre, la marchandise, les classes, l’État. Et pour y parvenir, ceux-ci ne peuvent qu’employer les moyens contenant en germe leur but : l’autonomie par rapport aux forces de maintien du capitalisme, la démocratie directe antihiérarchique.

Mon troisième vœu, enfin, pour 1987, me servira de conclusion. Il est que la population exploitée, et celle en voie de l’être, gagne sa lutte pour la liberté.

Elle y parviendra d’autant mieux qu’elle aura écarté de sa route tous les syndicats et partis, notamment les staliniens du PC et de la CGT, et les gauchistes (cf. leur rôle manipulateur dans la coordination nationale étudiante), qui la manœuvrent et la divisent dès lors qu’elle se lève contre l’oppression. Elle y parviendra d’autant mieux qu’elle aura su déchirer le voile de la « paix sociale » factice, qui masque la guerre quotidienne que lui livre la bourgeoisie par l’intermédiaire de ses officines idéologiques et de ses hommes armés, à seule fin de perpétuer son esclavage.

Mais dans les conflits de cette sorte, le refus de l’aliénation, de la servitude, la volonté de s’émanciper des chaînes du salariat doivent l’emporter sur le désir morbide de demeurer esclave du capital et de la marchandise. Et puisqu’il s’agit d’une lutte pour la vraie vie, mieux vaut résolument la mener plutôt que de continuer à patauger dans la boue et le néant du royaume des morts.

Mes chers compatriotes, et immigrés de toutes nationalités, quand je vois ce dont sont capables les foules esclaves marchant contre l’injustice et l’inégalité, quand je vois la détermination et la générosité des salariés dans maints conflits, quand je constate le rôle du prolétariat international dans les progrès de la lutte pour la liberté, je suis sûr de nos moyens et de nos chances pour parvenir à véritablement changer la vie. Encore faut-il y ajouter la volonté de réussir et de réussir tous ensemble.

Bonne Année 1987, et que vivent les assemblées autonomes anti-capitalistes, la démocratie directe, la liberté totale. Car « ça fait trop longtemps qu’on nous considère comme des machines, pas comme des hommes » (un cheminot).

Imprimerie spéciale


sources :

La marque « Imprimerie spéciale » semble la même qu’une autre affiche issue de Toulouse : « Le Miracle de la Sainte Mèche ».

cotes :

Aff1365 - 205417 (cira L)