Suisse : histoire : 1900-1947

 

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    [Le Chat déchaîné #11 : armée lutte de classes et beaux discours]

    notice :
    Image (fixe ; à 2 dimensions)
    [
    Le Chat déchaîné #11 : armée lutte de classes et beaux discours] / Julien Zeppo. — La Chaux-de-Fonds : FLM_ (Fédération libertaire des Montagnes : 1978-....) : OSL_ (Organisation socialiste libertaire), [ ?]. — 1 affiche (impr. photoméc.) : n. et b. ; 42 × 30 cm.

    • Affiches par pays  : Suisse
    • Lieux d’archivages  : CIRA (Lausanne)
    • Liste des thèmes  : antimilitarisme  ; armée  ; contrôle social  ; répression
    • Géographie, géopolitique et Histoire  : Suisse : histoire : 1900-1947
    • Noms cités (± liste positive)  : Hellmo  ; Zeppo, Julien
    • Presse citée  : Chat déchaîné, le
    • Vie des mouvements  : journal mural  ; anniversaire, commémoration
    notes :
    descriptif :
    Symbole(s) utilisé(s) :

    texte (signé Hellmo)

    dessin (rue citadine dont l’axe central divise les manifestant·e·s et les militaires qui les mettent en joue) signé Julien Zeppo

    texte :

    Le Chat déchaîné

    Feuille d’agitation de la Fédération Libertaire des Montagnes #9

    Armée lutte de classes et beaux discours

    80 ans après les faits, on a beaucoup parlé de la fusillade de Genève. D’une part, par bête goût de la commémoration. D’autre part, parce qu’est paru un livre (1), qui revient en détail sur ce sujet. Rappelons très brièvement les faits : le soir du 9 novembre 1932, l’année ouvre le feu, au pistolet et au fusil mitrailleur, sur une manifestation antifasciste, faisant treize morts et des dizaines de blessés. Puis on félicite les assassins et l’on condamne des dirigeants du PS genevois, qui avaient appelé à manifester, pour trouble à l’ordre public…

    Cet évènement a fait couler bien de l’encre et de la salive au point d’occulter, sans doute, d’autres drames similaires. Revenons en 1875, par exemple : les ouvriers du Saint Gotthard se mettent en grève ; on fait donner la troupe ; bilan : quatre morts. Jusqu’au milieu du XXe siècle, l’armée a fréquemment été appelée à « contenir » le mouvement ouvrier, avec des résultats plus ou moins dramatiques (2). Ce rôle joué alors par l’année de milice en dit long sur son caractère d’institution de classe.

    L’ouvrage de Jean Batou a des défauts, c’est entendu (3), mais aussi des qualités. Par exemple, il décrit bien l’état quasi psychotique des élites genevoises : confrontées à « quelques centaines de personnes armées de sifflets et de sachets de poivre » (4), elles se persuadent d’assister à un remake de la révolution d’octobre. La collusion est totale entre pouvoirs politique, financier, judiciaire et militaire. Grandes familles patriciennes, banquiers privés, politiciens conservateurs, cadres de l’armée, intellectuels d’extrême-droite : tout ce petit monde s’invite à dîner, défend ses privilèges et cultive jusqu’au délire la « peur du Rouge ».

    Où en sommes-nous aujourd’hui ?

    En 1932, on vivait les soubresauts de la crise de 29. La place financière genevoise connais-sait des difficultés dues à des affaires de fraude fiscale. Il y a donc des similitudes entre cette époque et la nôtre, et aussi d’immenses différences : ainsi, l’obligation de servir est aujourd’hui remise en cause, ne serait-ce que parce qu’elle n’arrange pas les patrons. De même, le mouvement ouvrier était certes divisé, mais plus actif et radical qu’aujourd’hui. Sans doute toutes les conditions ne sont-elles pas réunies pour que, demain, l’armée suisse fasse feu sur des civils. Mais il faut malheureusement constater qu’en théorie, tout est prêt.

    À la demande de l’inénarrable Ueli Maurer, la Milizkommission C a rendu en août dernier un rapport intitulé L’importance de l’armée pour la Suisse (5). Comme l’ont fait remarquer plusieurs observateurs, bon nombre des membres de cette commission sont, dans le civil, de hauts dirigeants de la banque ou de l’industrie. Leur prose est édifiante, surtout le paragraphe Utilité de l’armée dans des circonstances exceptionnelles. Par « circonstances exceptionnelles » on entend les catastrophes naturelles, les attaques militaires (un point sur lequel les auteurs eux-mêmes semblent fort peu convaincus) et l’extrémisme violent : on se demande bien de quel type d’ « extrémisme » il s’agit…

    Au mois de septembre, l’exercice d’état-major Stabilo due avait pour thème Désordres en Suisse et autour de la Suisse : il s’agissait de préparer 2000 officiers à la « gestion » de flux migratoires massifs et de mouvements sociaux à l’intérieur du pays. Ce jeu de rôle d’un goût douteux fait écho au projet de créer quatre bataillons de police militaire, sans prendre le risque d’une votation populaire (6). « La situation (due à la crise économique dans PUE et en Suisse) pourrait échapper à tout contrôle. Je n’exclus pas que nous utilisions l’armée dans ces prochaines années, » déclarait Ueli Maurer début octobre : l’heure n’est donc pas à la rigolade. Et la porte-parole du Département Militaire Fédéral, Sonia Margelist, d’ajouter : « L’armée doit être prête dans le cas où la police demanderait de l’aide. Il n’est pas exclu que les conséquences de la crise économique puissent conduire en Suisse à des protestations et à des violences. » On notera l’emploi du terme « protestations », suffisamment vague pour désigner tout et n’importe quoi…

    Il est donc encore parmi les missions de l’armée suisse que de s’attaquer à des civils, qu’il s’agisse de « gérer » les flux migratoires ou de réprimer les mobilisations sociales. Mais le discours a changé. Pendant l’entre-deux-guerres puis pendant la guerre froide, on présentait le peuple suisse comme fondamentalement bon et brave mais sujet à l’influence pernicieuse d’agents subversifs étrangers. Dans les années 30, les adversaires d’un parti socialiste genevois alors très re-muant soulignaient constamment les origines de ses dirigeants. On reprochait à Jacques Dicker d’être Juif et Russe (ça faisait beaucoup) et à Léon Nicole d’être… Vaudois : « deux microbes importés (…), deux vilains parasites qui par leurs émanations pestilentielles risquent d’infecter tout l’organisme genevois », écrivait ainsi le leader d’extrême-droite Roger Steinmetz.

    Aujourd’hui, plus besoin de métaphores médicales. Même Ueli Maurer, qui n’est pas vraiment une lumière, se rend compte que la colère sociale, de même qu’une bonne partie en tous cas des flux migratoires, sont les conséquences logiques des dé-confitures du capitalisme. Les pontes du DMF admettent sans peine que dans un contexte de crise globale, le peuple suisse, si placide soit-il, pourrait bien se révolter sans même que des agents étrangers lui en injectent l’idée. Or l’armée se doit de défendre les intérêts de l’économie - aussi foireux et injuste le système économique soit-il.

    Que l’armée suisse est une institution de classe, ce n’est pas un scoop. Mais, au pays de la paix du travail, du tir obligatoire et du couteau à douze lames, on ne s’en rend pas assez compte. Tant les élucubrations de la Milizkommission C que les travaux d’historiens doivent donner lieu à des prises de conscience et à des refus : refus de servir, refus de payer la taxe militaire, refus de cette solution foireuse que serait l’instauration d’une armée de métier ; refus du système tel qu’il fonctionne, et tel que l’armée cherche à le maintenir. À 80 ans de distance, il ne coûte rien de prononcer des discours commémoratifs ni d’exiger, comme Jean Batou, la réhabilitation posthume de leaders socialistes à qui ça fera une belle jambe. Mieux vaut nous réapproprier le bon vieux slogan : Pas un homme, pas un sou pour le militarisme !

    Hellmo

    1) Jean Batou : Quand l’esprit de Genève s’embrase. Au-delà de la fusillade du 9 novembre 1932, Lausanne, éditions d’En Bas, 2012.
    2) Entre 1918 et 1945, l’armée a assuré 22 fois un « service d’ordre » contre le mouvement ouvrier. Cf Bernard Degen dans l’ouvrage collectif Mourir en manifestant, Lausanne, En Bas, 2008, p. 44.
    3) Lire une critique acerbe mais pertinente sur www.lereveil.ch
    4) Manchester Guardian du 28 novembre 1932, cité in Batou, p. 108.
    5) www.vbs.acImin.ch/internet/vbs/fr/home/clepartementiorganisation/miliz-komm.html
    6) En 1978, la création d’une police fédérale de sécurité avait été refusée par 56 % des votants.
    7) Cité par Jean-François Fayet et Michel Caillat in Mourir en manifestant, p. 77.

    Hellmo

    Fédération Libertaire des Montagnes (FLM)
    CP 569 / 2301 La Chaux-de-Fonds / flm.osl@espacenoir.ch

    Les personnes qui désirent afficher ce texte sont priées de le faire aux endroits autorisés


    sources :

    2012 ou 2013 ?



    [Tribunal militaire, 19 septembre 1931]

    notice :
    Image (fixe ; à 2 dimensions)
    [
    Tribunal militaire, 19 septembre 1931] / Cabu. — Lausanne : [s.n.], . — 1 affiche (photocop. ) : n. et b. ; 42 × 30 cm.

    • Affiches par pays  : Suisse
    • Lieux d’archivages  : CIRA (Lausanne)
    • Liste des thèmes  : antimilitarisme
    • Géographie, géopolitique et Histoire  : Suisse : histoire : 1900-1947
    • Noms cités (± liste positive)  : Maillard, Marcel
    • Presse citée  : Réveil, le = Risveglio, il (1900-1950)
    • Vie des mouvements  :
    notes :
    descriptif :


    [ texte (lettre de Marcel Maillard au Département militaire, Genève, tirée du Réveil anarchiste) ; dessin (militaires assis, applaudissant) par Cabu ]

    texte :

    Tribunal militaire, 19 septembre 1931

    Notre camarade Marcel Maillard, déjà condamné pour refus de servir une première fois, le 11 décembre 1929, à trois mois d’emprisonnement et trois ans de privation des droits civiques, vient de paraitre à nouveau devant le Tribunal militaire. À une deuxième sommation d’avoir à se rendre à ta caserne, il avait répondu par celle lettre :

    Genève, le 26 mai 1931.

    Au département militaire, Genève.

    Messieurs,

    Je me fais un plaisir de vous retourner ci inclus l’ordre de marche me convoquant à l’école de recrues pour demain le 27 mai, à Morges, en vous avisant que, cette fois encore, notre brillante année fédérale devra se passer de mon précieux concours.

    J’en suis extrêmement peiné pour la Patrie qui, je le sais, a besoin de tous ses enfants pour sa défense (sauf peut-être de ceux que la perspective de quelques mois de prison n’enchante pas outre mesure et qui, plus malins, savent recourir au truc du certificat médical sur lequel cette chère Patrie ferme complaisamment les yeux), mais, malgré la peine hautement régénératrice qui m’a été infligée une première fois, ma mauvaise tête brûlée n’est toujours pas apte à saisir la légitimité de cet appel et s’obstine à ne pas reconnaitre votre divine autorité.

    Je déplore avec vous ce manque de civisme et cette absence totale de patriotisme dans lesquels votre bon sens natif n’aura pas de peine à discerner l’œuvre néfaste de la main de Moscou et de la propagande subversive qui sape les bases de la nation, mais comme vous, je ne puis me soumettre à la majorité et attends donc humblement que vous ajoutiez au mépris de tous les bons citoyens, qui m’afflige déjà, les démocratiques rigueurs de notre Constitution que j’ai déjà subies sans succès, il est vrai, mais qui, espérons-le, finiront bien par me rendre le cerveau docile, et par conséquent normal.

    C’est cette même tête brûlée qui m’empêche de vous adresser en terminant les respects que l’on doit à ceux qui exercent d’aussi nobles fonctions que les vôtres et m’autorise tout au plus à vous faire part de mes sentiments profondément libertaires et (permettez que je sois absolument sincère) de mon absence totale de considération.

    Marcel MAILARD,
    25, rue de la Servette, Genève.

    P.-S. — Votre extrême bienveillance m’ayant fait, contre toute attente, bénéficier, d’un passeport, il serait peut-être indiqué’ de me faire surveiller dès ce jour de très près, étant donné la possibilité qui m’est fournie d’esquiver une punition que je crains par-dessus tout.


    sources :